Si pour certains l’AC Milan est un club en reconstruction qui cherche à retrouver sa gloire passée, en réalité les propriétaires n’ont que faire de l’image du club. Depuis que le groupe RedBird et les autres actionnaires sont à la tête du club, l’AC Milan est l’un des clubs d’Italie les plus stable économiquement. Mais qu’en est-il du sportif ? La saison passée a été révélatrice de toute l’incompétence des dirigeants pour construire une équipe. Rappelons que l’équipe des directeurs sportifs était composée d’un comptable (Giorgio Furlani), d’un recruteur scout (Geoffrey Moncada) et de Zlatan Ibrahimovic qui n’a aucune expérience dans le monde de la gestion sportive d’un club. Avec cette équipe de dirigeants le fiasco était inévitable. Si sur le papier le mercato de cet été peut sembler séduisant pour certains, voyons en profondeur à quel point « incohérent » est le maitre mot de ce mercato.
Après la débâcle de la saison passée, deux coachs virés, une 8e place en championnat et une défaite en finale de coupe d’Italie face à Bologne qui prive donc l’AC Milan de toute compétition Européenne pour la première fois depuis 7 ans, l’heure est au renouveau. Igli Tare, ancien directeur sportif de la Lazio, expert en Serie A et habitué aux mercatos avec budgets très restreint semble être le profil idéal pour réparer les dégâts de la saison passée. A son arrivée est ajouté celle de Massimiliano Allegri. Le retour de l’italien sur le banc du Milan AC sonne vraiment comme un message de désespoir. Les supporters réclament un retour du milanismo, c’est-à-dire l’identité du club qui a été bafouée avec le licenciement de Maldini et la vente immédiate de Tonali, deux figures qui incarnaient vraiment le milanismo sur les dernières années. Le retour d’Allegri qui a remporté le titre de Serie A avec les Rossoneri en 2012 semble vouloir satisfaire la demande des supporters et ainsi espérer taire les contestations qui durent depuis mai dernier.
Ces deux arrivées au club amènent donc un changement de stratégie sur le mercato, Allegri a une tactique bien claire, le 3-5-2 qui est un dispositif nouveau pour l’effectif de Milan. Pour lui permettre de mettre en place sa tactique il faudra acheter des joueurs adaptés. Bien que cela paraisse être une évidence, pour les dirigeants du club cela représente un frein à leurs ambitions spéculatives et aux achats déjà effectués avant même l’arrivé de Allegri.

Des transferts illogiques
Au mois d’avril, Giorgio Furlani boucle le transfert de Samuele Ricci, milieu de terrain défensif du Torino, pour environ 20 millions d’euros. Ce transfert est dû à un arrangement de longue date entre Furlani et un intermédiaire qui travaille sans doute avec l’agent de Samuele Ricci. Ce transfert n’est donc pas un choix sportif mais une affaire extra-sportive. Cet achat de Ricci est complétement incohérent avec le projet d’Allegri, si un club est conscient de changer de coach pour la saison prochaine il vaut mieux attendre que le coach arrive et préparer le mercato avec lui.
A l’achat de Ricci s’en ajoutent d’autres qui ne s’inscrivent pas dans la philosophie de football d’Allegri. Igli Tare est allé chercher Zachary Athekame, un latéral droit suisse pour 10 millions aux Young Boys. Si en effet après les départs de Calabria, Emerson Royal et Walker l’AC Milan semblait devoir acheter un latéral droit, c’était avant l’arrivée d’Allegri. Le coach Italien opte pour un 3-5-2 et joue donc avec des pistons et pas des latéraux. Donc pourquoi investir sur un latéral ? Arrivé début août, le Suisse n’a pas joué une seule minute depuis le début de la saison. A moins d’un changement tactique, il est très difficile d’imaginer Athekame intégré au projet d’Allegri, d’autant plus face à la concurrence rude imposée par de performances très positives d’Alexis Saelemaekers.
Sur le couloir gauche, c’est Pervis Estupinian qui succède à Théo Hernandez. Le latéral équatorien arrive pour un peu moins de 20 millions d’euros de Brighton. Mais il n’est plus le latéral coté qu’il était il y a deux-trois ans. Il n’a pas la technique et le volume de jeu suffisant pour jouer piston, d’autant plus qu’il n’a aucun remplaçant pour la saison.
Pour conclure sur les achats incohérent il est impossible de ne pas évoquer le cas Nkunku. Ce ne sont pas ses qualités individuelles qui amènent à la critique mais plutôt sa compatibilité avec le schéma de jeu d’Allegri. L’italien a les idées très claires sur son duo d’attaquant : Rafael Leão est le premier attaquant, celui qui court beaucoup et qui doit créer les actions. Le deuxième doit être un attaquant de surface, un vrai n°9. Le soucis c’est que pour acheter Nkunku, Milan a dépensé 37 millions d’euros. Il est le plus gros achat du club cet été alors qu’il ne correspond pas du tout au profil souhaité par Allegri. Christopher Nkunku est un deuxième attaquant, qui doit tourner autour d’une vraie pointe. Or c’est Leão qui a déjà ce rôle au sein de l’équipe. Le plus stupéfiant autour de cet achat ce sont les propos d’Allegri sur Nkunku lors de l’annonce son arrivé, le coach Italien a déclaré « Je ne sais pas comment je l’utiliserais, mais il a surement de grandes qualités ». Cette déclaration témoigne de l’absence totale de concertation entre l’entraineur et les dirigeants sur le mercato.
L’avis d’Allegri balayé
Si le projet qu’ont les dirigeants pour le club n’ira nulle part c’est parce qu’ils ne collaborent pas avec l’entraineur. Le sportif est mis de coté, ainsi les transferts sont uniquement pensés de façon cartésienne. Avant l’arrivée de Nkunku, Allegri réclamait un attaquant de surface, il voulait Vlahovic de la Juventus qu’il connaissait bien. Mais pour les dirigeants ce n’était pas envisageable et ils lui ont donné un joueur incompatible. Dans ce club c’est au coach de se débrouiller avec ce qu’on lui donne plutôt que les dirigeants qui doivent satisfaire les volontés de l’entraineur.
Mais l’irrationnel ne s’arrête pas là, en effet Allegri en plus de voir ses envies ignorées, se voit même retirer de son équipe des joueurs sur qui il comptait. Le cas le plus grave est celui de la vente de Malick Thiaw, le défenseur allemand a été vendu pour 40 millions d’euros à Newcastle. Du point de vue économique l’opération est une excellente affaire puisque le joueur avait été acheté pour seulement 7 millions d’euros trois ans auparavant. Mais sur le plan sportif ce transfert ruine la préparation d’Allegri. Pendant plus d’un mois il a façonné sa défense à trois avec Malick Thiaw comme pilier et à moins d’une semaine de la reprise il se retrouve sans son défenseur clé. Pourtant Allegri avait été très clair avec les dirigeants, il voulait renforcer la défense et non pas vendre un des joueurs clé du projet sportif.
La vente de Noah Okafor est un cas similaire. Pendant toute la tournée estivale Allegri a essayé plusieurs duos d’attaque. Et si il y avait une note positive a retenir c’était les performances de Noah Okafor qui s’adaptait bien au jeu d’Allegri. L’entraineur souhaitait compter sur lui mais il a suffit d’une simple offre de 20 millions de Leeds pour que le joueur soit vendu en même pas 24h. Au final après les départs de Jovic, Tammy Abraham, Lorenzo Colombo et Francesco Camarda ; Allegri s’est retrouvé avec un seul attaquant de pointe dans son effectif pour tout le reste de la saison. Rien de pire pour une équipe qui veut jouer avec deux attaquants devant.
Enfin le départ de Yunus Musah s’inscrit dans les mêmes perspectives. C’est vrai que c’est un joueur brouillon qui est assez irrégulier, mais Allegri voulait travailler avec lui. Finalement Musah a été envoyé en prêt à l’Atalanta.

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Un mercato basé uniquement sur une vision spéculative
Ce mercato est révélateur de la philosophie des dirigeants. Le club est détenu par un fond d’investissement donc l’objectif est de faire un maximum de bénéfice. Si les arrivées sont pour la plupart décevantes, il faut évoquer les départs. Si certaines ventes sembles logiques comme celle de Samuel Chukweze à Fulham ou celle de Théo Hernandez à Al-Hilal, la vente de Reijnders est complètement ridicule. D’une part parce c’est le meilleur joueur de l’équipe la saison passée et l’un des meilleurs milieu d’Europe la saison dernière. Il n’y avait aucun intérêts sportif à le vendre, c’est un milieu très complet et technique qui se serai associé parfaitement à Modric. D’autre part c’est un transfert honteux pour son prix. On dirait que les dirigeants ont des pulsions incontrôlables face à une offre, il n’arrivent pas à en refuser une. Reijnders a été vendu pour 55 millions à Manchester City, cette somme est bien trop basse, surtout avec le marché anglais d’aujourd’hui. Le transfert de Reijnders témoigne simplement qu’à Milan tout le monde est vendable. Si les dirigeants ont l’assurance de réaliser des bénéfices sur une vente alors ils vendent. C’est cette stratégie qui dicte le mercato de l’AC Milan, le club recrute uniquement des joueurs sur qui ils estiment pouvoir faire une plus-value comme ils l’ont fait avec Reijnders. Le souci de cette stratégie c’est que lorsque qu’un club recrute des joueurs pour 20 millions, ce sont des joueurs qui ne sont pas confirmés et lorsqu’ils progressent et deviennent confirmés ils sont vendus. C’est donc impossible de bâtir un projet sportif solide. Le remplaçant de Thiaw est Koni de Winter, un central de 23 ans acheté pour 20 millions au Genoa. Ce n’est pas avec ce profil de joueur qu’une défense déjà fébrile est renforcée.
Une page se tourne
Ce mercato résonne aussi comme la fin d’une ère pour les supporters. En effet, le départ de Théo Hernandez qui a été capitaine de Milan n’est pas simple à digérer. Bien que la saison passée il était parfois méconnaissable, personne n’oublie ce qu’il a fait pour le club. Il est le défenseur ayant marqué le plus de but dans l’histoire du club, c’est l’un des protagonistes du titre de 2022. Personne n’oubliera sa chevauchée face à l’Atalanta, offrant une victoire décisive pour le titre remporté une semaine plus tard. Son duo avec Leão sur le couloir gauche restera dans les mémoires des tifosi.
A son départ s’ajoute celui de Ismaël Bennacer. Le milieu de terrain Algérien rejoint en prêt de Dinamo Zagreb. Miné par les blessures, il était un taulier du Milan de Pioli. Arrivé en été 2019 comme Théo Hernandez, lui aussi fait parti de ces joueurs ayant permis le retour de Milan au plus haut niveau national mais également en Europe. Son but en quart de finale de Ligue des champions face à Naples, avait permis aux Rossoneri d’atteindre la demi-finale de la ligue des champions en 2023.
Ces deux départs ne sont pas uniquement liés à leurs performances. En effet depuis leur arrivée, les dirigeants n’ont cessé de démanteler le Milan construit par Paolo Maldini. Par rapport à 2023, il n’y a plus que 5 joueurs qui sont toujours au club aujourd’hui (Leão, Saelemaekers, Tomori, Gabbia et Maignan).

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Des prises intéressantes malgré tout
Malgré une incohérence flagrante dans les achats du club lombard cet été, certaines prises sont plutôt intéressantes du point de vue sportif. L’arrivée la plus importante est celle de Luka Modric. Le milieu croate de 40 ans s’est engagé libre pour un an en provenance du Réal Madrid. Si son âge a suscité beaucoup de critiques, sur le terrain il est le maestro de l’équipe d’Allegri. En 3 matchs il comptabilise déjà un but et une passe décisive. Il est évident que l’achat de Luka Modric s’inscrit dans une volonté des dirigeants de vendre des abonnements et des maillots aux supporters. Luka Modric est une légende absolue du football, il est l’un des plus grands milieu de terrains de l’histoire, les supporters ne peuvent qu’être contents de voir ce génie fouler la pelouse de San Siro.
Pour l’accompagner, le club a recruté deux autres milieux de terrains. Le premier est Ardon Jashari, arrivé en provenance de Bruges pour 37 millions d’euros. Le milieu suisse a été élu meilleur joueur du championnat belge la saison passée. Son arrivée vise à combler le vide laissé par la vente de Reijnders, mais il est évident que le suisse n’atteindra pas le niveau du néerlandais la saison passée. Notamment car il s’est fracturé le tibia à l’entrainement, son retour est attendu autour du mois de novembre. Il est difficile d’évaluer l’apport de Jashari dans le jeu puisqu’il n’a joué que 30 minutes sous ses nouvelles couleurs. Enfin pour compléter un milieu de terrain très complet, Adrien Rabiot a rejoint les Rossoneri pour 15 millions d’euros. Le milieu français connait très bien Allegri puisqu’il a évolué sous ses rangs à la Juventus. Le français a disputé son premier match avec Milan dimanche dernier face à Bologne et il semble plutôt clair qu’il apporte de la technique et du volume de jeu au milieu milanais.
Qu’attendre cette saison ?
Après 4 matchs, l’AC Milan compte 3 victoires et une défaite. Les Rossoneri ont entamés leur saison en battant Bari 2-0 à l’occasion du tour préliminaire de coupe d’Italie. Leão s’est blessé pendant ce match et n’est toujours pas revenu. Offensivement il est donc compliqué d’évaluer les performances, surtout que Nkunku à joué que 10 minutes face à Bologne. Au milieu de terrain Allegri dispose d’une véritable armada. Pour l’instant les 3 titulaires sont Modric, Fofana et Rabiot, mais Loftus-Cheek et Ricci sont de sérieux concurrents et le retour de blessure de Jashari viendra surement bouleverser les hiérarchie. Allegri a donc l’embarras du choix et dispose probablement du milieu de terrain le plus complet de Serie A. Enfin le coach italien est réputé pour ses approches de match défensives. Mise a part le fiasco face à la Cremonese en match d’ouverture de championnat où les Rossoneri se sont ridiculement inclinés 1-2, les hommes d’Allegri ont réalisés que des clean-sheet.
Cette saison l’AC Milan ne dispute aucune coupe européennes, et au vu du niveau de la Serie A il est probable que les Rossoneri parviennent à accrocher une place pour la ligue des champions , surtout si Allegri réussit à maintenir cette solidité défensive.
Ce ne sont pas les trois prises au milieu de terrain qui sauverons le mercato décevant de l’AC Milan. C’est un travail qui semble avoir été réalisé chacun de son coté, où l’on retrouve aucune concertation entre les dirigeants. Chacun cherche à faire ses affaires avec des agents ou des intermédiaires, ce qui amène à se retrouver avec des joueurs incompatibles. Les transferts sont basés que sur des opportunités de marché, ce qui montre qu’il n’y a aucun projet sportif sérieux. C’est un mercato ni fait ni a faire, dicté uniquement par la volonté du bénéfice.
