Une Italie de nouveau au pied du mur 

L'équipe d'Italie avant d'affronter l'Estonie @Mattia Ozbot

Après 12 ans sans Coupe du Monde, l’Italie risque une nouvelle fois de ne pas se qualifier. Malgré un élargissement du nombre de participants, la Nazionale ne devrait pas finir en tête de son groupe de qualification, synonyme donc de barrage. Les Italiens seront-ils capables de faire face aux fantômes du passé et de se qualifier pour le prochain mondial ?   

Le 24 juin 2014 l’Italie s’est inclinée 0-1 face à l’Uruguay à l’occasion du dernier match de poule de la Coupe du Monde au Brésil. C’est la dernière rencontre disputée par la Nazionale dans cette compétition. Depuis l’Italie s’est vue être éliminée à deux reprise aux barrages. En 2017, après une défaite 1-0 en Suède, les Italiens sont tenus en échec 0-0 à San Siro. En donnant le coup de sifflet final, l’arbitre met un terme au match le plus triste de l’histoire du football italien. Pour la première fois en 60 ans, l’Italie ne disputera pas de Coupe du Monde. Les larmes de Ganluigi Buffon font le tour du monde, après 21 ans de services le champion du monde quitte la sélection. 

En 2021 l’Italie arrive à l’Euro galvanisée. Après des qualifications survolées, les hommes de Mancini sont sur une série de plus de 30 matchs sans défaite. Après son échec cuisant en qualification de coupe du monde, les Azzuri portés par la génération Chiellini-Bonucci-Verratti et Insigne remportent l’Euro. Au cours de la compétition, la révélation Chiesa et les confirmations comme Donnarumma et Barella laissent entrevoir un futur à cette équipe d’Italie. 

En 2022 cette équipe est pourtant rattrapée par de vieux démons. Les hommes de Mancini ont fait preuve d’un réel manque de motivation et se sont sans doute vus trop beaux après leur sacre. C’est donc de nouveau par le barrage que l’Italie devra passer pour obtenir son billet pour le Qatar. Pour y parvenir elle doit battre dans un premier temps la Macédoine du Nord puis le Portugal. L’Italie connait une fois encore une humiliation, ne se qualifiant pas pour la Coupe du Monde, qui plus est en s’inclinant contre la Macédoine du nord 0-1 à Palerme. 

Menée par Luciano Spalletti, récent vainqueur du scudetto avec Naples, l’Italie n’a rien fait à l’Euro 2024. Après une phase de poule très peu convaincante, la Nazionale quitte la compétition dès les 1/8e de finale après une défaite 2-0 contre la Suisse. 

Où en est la sélection aujourd’hui ? 

C’est l’ancien champion du monde, Gennaro Gattuso qui a repris les reines de la sélection après le départ de Spalletti. Depuis son arrivée les résultats sont bons, l’Italie s’est imposée sur les quatre matchs qu’il a disputé sur le banc. Bien que les adversaires soient faibles, c’est un début encourageant. 

Ce qui est paradoxal chez cette sélection italienne c’est qu’elle ne dispose pas d’un effectif mauvais. Si le creux de génération est évident, elle possède tout de même de très bons joueurs. Dans les buts, Donnarumma est l’un des meilleurs gardien du monde, en défense Bastoni et Calafiori sont d’excellents joueurs qui évoluent au plus haut niveau. Au milieu de terrain, Tonali et Barella sont des références à leur poste. Pour ce qui est de l’attaque, Kean et Retegui sont plutôt de bons joueurs malgré leur irrégularité. Bien que cet effectif ne soit pas digne de remporter la Coupe du Monde, il reste néanmoins très suffisant pour se qualifier directement pour le mondial. 

Mais la situation actuel au sein du groupe de qualification est très tendue pour l’équipe de Gattuso. Dans un groupe composé de la Norvège, l’Israël, la Moldavie et l’Estonie, l’Italie occupe la deuxième place. S’il est clair que la Squadra Azzura est tête de série et que la première place est une obligation dans ce groupe, il faut admettre que la Norvège est entrain de réaliser une performance exceptionnelle. Guidée par un Erling Haaland inarrêtable, les Scandinaves occupent la première place du groupe avec une différence de buts folle (+26 buts, l’Italie est à +10). Si leur place de leader est d’autant plus méritée c’est également parce qu’ils ont surclassé l’Italie 3-0 en juin. C’est donc mission impossible pour Gattuso et ses joueurs pour aller chercher la première place. Il faudra battre la Norvège mais également combler cette différence de buts monstre. A moins d’un faux pas de la Norvège, l’Italie devrait finir sans grande surprise deuxième de son groupe et ainsi aller en barrage pour la troisième fois consécutive. 

Le duo d’attaquants Kean/Retegui excelle face à l’Estonie

Quel est le fond du problème ?

Il n’est pas évident de comprendre pourquoi le football italien est au plus mal. Si on compare premièrement les niveaux des championnats nationaux, la Serie A n’est pas en dessous de la Bundesliga ou la Ligue 1. La saison passée l’Inter s’est hissé en finale de la Ligue des Champions, après une autre finale disputée en 2023. En Europa League l’Atalanta a donné une leçon au Bayer Leverkusen de Xabi Alonso en 2024. Et la Fiorentina a disputé deux finales de Conférence League sur les 3 dernières saisons. 

Si la sélection italienne ne semble pas réussir à suivre le rythme des autres grandes nations du monde, c’est parce qu’il y a un gros soucis dans la formation des jeunes. Alors que tout les ans des jeunes joueurs débutent à l’âge de 15,16 et 17 ans dans les autres top championnats, en Italie on ne leur donne aucune chance. Un jeune joueur de 16 ans qui aurait débuté en Espagne par exemple, sera envoyé en prêt en troisième division le temps qu’il s’adapte. Ces jeunes joueurs relégués en divisions semi-professionnelles ne parviennent pas à se développer correctement. Ils arrivent dans un cadre où l’accompagnement est moins bon et où ils côtoient également de moins bons joueurs.

On entend beaucoup dire que l’Italie n’a plus de talents, mais ce n’est pas vrai. Les talents sont là, le nom sans doute le plus surveillé est celui de Francesco Camarda. Buteur de l’AC Milan prêté à Lecce cette saison, c’est un 2008 qui à débuté en Serie A à l’âge de 15 ans. Il est la rare exception à avoir débuté dès qu’il avait l’âge de jouer en professionnel. Mais alors qu’il a montré des choses intéressantes, son club décide de le prêter chez une équipe qui joue le maintient et donc qui se défend plus qu’elle n’attaque. Francesco Pio Esposito est un autre espoir du football italien. Après avoir été prêté lui aussi, il a enfin pu trouver du temps de jeu à l’Inter. Il a même marqué face à l’Estonie la semaine dernière. 

Comme autre preuve que le championnat italien n’est pas propice au développement nous pouvons jeter un regard sur les Italiens ayant joué à l’étranger. Dans les années 2015, Marco Verratti était l’un des meilleurs milieux du monde et il évoluait en Ligue 1. Depuis 2020 plusieurs Italien ont rejoint la Premier League et font partie des meilleurs joueurs de leur club, voir du championnat. Le cas le plus récent est celui de Donnarumma. Après avoir quitté l’AC Milan en 2021, il rejoint le PSG où il finit par remporter la Ligue des Champions et s’affirme comme l’un des meilleurs au monde à son poste. Aujourd’hui il évolue pour Manchester City dans un championnat où d’autres Italiens s’illustrent. Sandro Tonali et Riccardo Calafiori évoluent respectivement à Newcastle et à Arsenal. Ils font partie des meilleurs joueurs en Premier League. L’Italie n’arrive pas à garder ses talents, le cas le plus explicite est celui du jeune Giovanni Leoni qui s’est engagé avec Liverpool cet été alors que tous les cadors de Serie A le voulait. Après une seule saison en pro il quitte déjà son pays.  

Ce qui est clair c’est que l’Italie doit désormais s’adapter au football moderne, avec une vision trop archaïque et un creux générationnel la Squadra Azzura sera toujours limitée. 

Quel rôle peut jouer Gattuso ? 

Légende du football italien, Gennaro Gattuso a laissé sa trace de par son charisme et sa détermination lorsqu’il foulait les pelouses. Il a fait partie du Milan emblématique de Carlo Ancelotti et de l’Italie championne du monde il y a 20 ans. S’il est une légende en tant que joueur, en tant qu’entraîneur il présente beaucoup plus de limites. Passé par le banc du Milan, de Naples ou encore de l’OM, il n’a jamais réussi à s’imposer comme un entraineur sur lequel construire un cycle gagnant. Son arrivé sur le banc de la Nazionale a laissé quelque peu perplexe. Mais entrainer un club et une sélection sont deux choses diverses. Une sélection se retrouve que 3 ou 4 fois par an. Le sélectionneur doit être capable de créer un groupe uni qui parvient à se comprendre sur le terrain. Il n’a pas à inventer des schémas de jeu aussi poussés que pour un club. 

Ainsi Gattuso pourrait être un bon profil pour ouvrir le cycle du renouveau de l’Italie. Il va apporter une exigence importante et une discipline aux joueurs qui leur sera bénéfique pour créer un groupe solide. C’est un poste qu’il pourrait occuper pendant 2 ans et pourquoi pas, une fois que la sélection sera de nouveau collectivement forte, changer d’entraineur. 

Gennaro Gattuso enchaîne les victoires sur le banc de la sélection italienne @Mattia Ozbot

Mettre fin à l’humiliation 

Pour éviter le barrage l’Italie devra s’imposer face à la Moldavie sur un lourd score et battre la Norvège pour inverser la différence de buts. 

Ainsi en cas de barrages, il sera très important que Gattuso ne mette pas trop de pression sur les joueurs. Certes une énième honte nationale n’est pas envisageable et il sera nécessaire de jouer sans la peur d’échouer une nouvelle fois. C’était ce qui à miné l’Italie face à la Macédoine du Nord en 2022. 

Coté supporter la confiance ne règne pas vraiment, les plus pessimistes se voient déjà sans coupe du monde. D’autres tournent la situation affligeante à l’humour en affirmant que l’unique moyen pour l’Italie de participer à la Coupe du Monde est qu’elle soit organisée en Italie. 

Les hommes de Gattuso ont rendez vous avec leur destin le 13 et le 16 novembre, où ils affronterons la Moldavie et la Norvège. 

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